mardi 1 mars 2005

La tempête de verglas en 1998, à Philipsburg

SOLIDARITÉ SANS FRONTIÈRES
par Reine-Marie Montpetit p.m.
directrice de la maison En Gaddi de 1996 à 2005

Quand le responsable des mesures d'urgence de notre petite municipalité (moins de 300 personnes) appela au couvent pour demander d'héberger des personnes âgées, sans hésiter, j'ai accepté avec mes soeurs de rendre ce service qui semblait tout à fait normal dans les circonstances.

Quelle émotion j'éprouve de voir arriver la camionnette d'où sort notre premier «hébergé» transporté sur un brancard par des bénévoles de la localité! C'était un malade en phase terminale dont j'ignorais le véritable état. Cet homme devait mourir, après un bref séjour à l'hôpital, avant la fin de la panne d'électricité.

Maison En Gaddi

Nous étions le seul endroit de la municipalité
muni d'une génératrice assez puissante
pour assurer chaleur et lumière à un grand nombre de sinistrés.

Pour mes soeurs et moi, il s'agissait d'accueillir chaleureusement chaque personne qui arrivait pour la sécuriser, et la conduire avec tendresse et bonté dans une chambre propre et convenant le mieux à ses besoins. À ces personnes s'ajoutent les pompiers et les premiers intervenants pour les soins d'urgence qui ont aussi demandé le gîte dans notre maison. Nous étions le seul endroit de la municipalité muni d'une génératrice assez puissante pour assurer chaleur et lumière à un grand nombre de sinistrés.

Toute le nuit, j'ai dû me tenir prête pour répondre aux demandes des gens qui arrivaient en quête d'un abri. Il fallait les recevoir tous et avec le même sourire et la même chaleur, peut-être encore plus que pour les premiers arrivés. Ils étaient inquiets de leurs enfants, de leur maison et de la cave inondée avec des tuyaux crevés et gelés.

Maison En Gaddi

Les dix religieuses ont été formidables
chacune selon ses capacités
et les possibilités de la maison.

Pendant huit jours les gens sont arrivés chacun avec ses besoins; il s'agissait d'y répondre au mieux. J'ai vécu une expérience de solidarité au sens le plus large du mot. Les dix religieuses ont été formidables chacune selon ses capacités et les possibilités de la maison. Et grâce à cette disponibilité nous avons eu la joie d'accueillir quelques-uns de nos parents éprouvés. En plus, j'ai beaucoup admiré le travail des responsables de la cuisine qui ont dû se débrouiller avec des moyens réduits : une cuisinière à gaz de quatre ronds seulement et un seul fourneau, pour servir les repas chauds, jusqu'à 100 dîners en une seule journée.

Tous ceux qui le pouvaient s'offraient pour servir, qui à la vaisselle, qui au ménage, d'autres préparaient des lits pour les nouveaux arrivants. Un homme et une dame ont même ramassé le linge souillé pour aller faire le blanchissage aux États-Unis. Et cela à leurs frais. Mes impressions? La solidarité, c'est communicatif, personne ne reste indifférent!

Il fallait divertir nos gens; j'essayais de leur être présente le plus possible. C'est ainsi que j'ai mieux connu les gens de la région. Quel contact s'est établi alors entre nous! Pour eux, les Soeurs n'étaient plus un mystère. Ils ont appris à les connaître et à les apprécier pour ce qu'elles sont réellement : des personnes humaines avec un coeur ouvert et capables de liens simples avec leurs semblables.

Pour ce qui est des divertissements, les uns jouaient aux cartes, d'autres faisaient des casse-tête, d'autres lisaient... Accompagnés au piano par une de nos soeurs, nous avons participé à de merveilleuses séances de chants. On suggérait des chansons de folklore tirées des livrets de la Bonne Chanson. Francophones et anglophones y allaient avec enthousiasme. Pas de place à la mélancolie.

Maison En Gaddi

La Ministre anglicane est venue visiter ses paroissiens
et m'a demandé de célébrer un service religieux dans notre chapelle,
ce que j'ai accepté avec empressement.

J'ai vécu aussi, pendant cet événement, un véritable oecuménisme puisque au moins trois confessions religieuses étaient présentes dans la maison. Chacun se trouvait à l'aise d'exprimer sa foi. Aucune barrière n'existait entre les personnes. J'ai offert la messe catholique à ceux qui voulaient y participer; des Anglicans, et peut-être des membres de l'Église unie du Canada, y ont assisté. Des prières protestantes ont été faites auxquelles ont participé des catholiques. La Ministre anglicane est venue visiter ses paroissiens et m'a demandé de célébrer un service religieux dans notre chapelle, ce que j'ai accepté avec empressement.

J'ai vécu là un véritable sentiment d'appartenance à l'Église universelle. Jésus-Christ réunissait tout ce monde dans une situation pénible mais consolante. J'ai vécu le même sentiment lors des funérailles du malade que vous avions accueilli la première journée de la tempête de verglas. Les émotions étaient vives de dire ensemble un dernier adieu à une personne que le verglas nous avait permis de connaître et d'entourer au cours de sa dernière maladie.

D'autres émotions, plus joyeuses celles-là, devaient être vécues deux mois plus tard. À la demande des organisatrices de l'Église unie du Canada, la Journée mondiale de prières pour les femmes s'est tenue dans la chapelle du couvent. Quelles retrouvailles! Être là, cette fois simplement réunis pour prier le même Seigneur : quelle solidarité et quelle grâce!

Parler de solidarité, c'est parler d'entraide, de charité, de respect mutuel, de fraternité sans barrières de religion, de sexe et d'âge. En fait, c'est la solidarité sans aucune limite qui nous amène à vérifier notre capacité d'accueil et de service. Tel fut mon vécu lors de la tempête de verglas de 1998.

Maison En Gaddi

En reconnaissance de votre contribution
aux secours apportés aux victimes
de la tempête de verglas de 1998.

J'en suis certaine, les Soeurs de la Présentation de Marie, selon l'esprit de Marie Rivier, notre fondatrice, tout comme les religieux et les religieuses du Canada sont solidaires du monde avec lequel ils vivent.

Source : Bulletin CRC, Hiver 1998. Article reproduit avec la permissions de l'auteure.
Photos : Soeurs de la Présentation de Marie

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