dimanche 25 décembre 2005

L'église de Noël

Un jour l'imaginaire a flirté avec la réalité... 

Il faut que je vous raconte l'incroyable aventure que j'ai vécue la nuit dernière.

Vous savez que la messe de minuit, c'est une tradition à laquelle on tient beaucoup à Saint-Armand. Chaque année depuis des lustres, l'église Notre-Dame-de-Lourdes se remplit le soir du 24 décembre et reste pleine à craquer pendant près de deux heures. C'est qu'on aime s'y retrouver au coude à coude une fois par année pour fêter la Noël avec ce qu'il nous reste de ferveur en bout d'année. On vient écouter la chorale chanter avec ardeur et toussotements les vrais cantiques de Noël. On vient entendre le silence soudainement rompu par le braillement d'un tout-petit et le chut! de sa maman. On vient voir des dizaines d'hommes et de femmes d'un âge certain s'agenouiller devant un enfant de plâtre. On vient flairer l'encens qui s'insinue parmi les arômes des parfums et des cierges allumés. On vient retrouver le goût d'enfance de l'hostie de blé azyme. On vient se laisser ravir par la verve et la bonhomie du curé tellement-inspiré et tellement-souriant à Noël. On vient avec du brillant dans les yeux se souhaiter Joyeux Noël entre connus et inconnus comme si nous nous connaissions depuis toujours...

Hier soir, c'était le 24 décembre. Mais un 24 décembre plus du tout comme les autres avant. Parce qu'à Saint-Armand depuis quelques mois il n'y a plus d'église Notre-Dame-de-Lourdes. En lieu et place il y a maintenant un terrain vague. Démolie, l'église Notre-Dame-de-Lourdes, disparue au nom du bon sens rentable. Je vous épargne les détails parce que vous pouvez comme moi les imaginer : l'église était devenue un fardeau financier pour la fabrique, qui l'a offerte au conseil municipal, qui a consulté ici, consulté là, consulté finalement par référendum les citoyens contribuables, qui ont dit non à une encore augmentation de leur compte de taxes foncières : « On a déjà un centre communautaire presque neuf qui ne sert pratiquement jamais à la collectivité; pourquoi faudrait-il payer pour un deuxième... » Un mois plus tard, il n'y avait plus de parvis en béton à Saint-Armand, plus de clocher argenté qu'on voit de loin, plus d'église en briques rouge fatigué...

Attentif, le curé avait cependant promis solennellement à la population armandoise, résignée devant l'inéluctable, de perpétuer la tradition de la messe de minuit à Saint-Armand même après la démolition de l'église Notre-Dame-de-Lourdes. Hier soir donc, pour la première fois depuis 1845, la messe de minuit à Saint-Armand était célébrée non plus à l'église mais sous le toit cathédrale du centre communautaire...

En descendant la côte qui mène au village, j'eus toute une surprise. Il n'y avait personne au centre communautaire, pas la moindre lumière, pas d'autos dans le petit stationnement d'en face... Je crus un instant m'être trompé de jour à moins que... Le curé nous aurait-il trompé? La messe de minuit serait-elle déménagée dans une vraie église restée encore debout, Saint-Philippe à Philipsburg peut-être?

Quelques centaines de mêtres plus loin, exactement là où il y a cinquante ans se trouvait une traverse de chemin de fer, je jetai un coup d'oeil machinal vers l'endroit où se dressait jadis fièrement l'église Notre-Dame-de-Lourdes pour m'apercevoir... Non, je rêve ou quoi? Elle était là, toute éclairée, avec son parvis de béton et son clocher argenté plus que jamais... Elle était là, l'église Notre-Dame-de-Lourdes en briques plus rouges que je ne les avais jamais vues... Et le grand stationnement d'en face était rempli comme autrefois. Et des hommes, des femmes et des enfants s'y dirigeaient prestement, joyeusement...

L'église serait-elle réapparue par miracle pour que les Armandoises et les Armandois puissent continuer la tradition de la messe de minuit vieille de 160 ans? Incrédule, j'ai voulu m'en assurer, je suis entré à mon tour et... comme j'ai apprécié retrouver ce coude à coude annuel pour fêter la Noël avec ferveur. Écouter la chorale chanter avec ardeur et toussotements les vrais cantiques de Noël. Entendre le silence soudainement rompu par les braillements de tout-petits et le chut! de leur maman. Voir des dizaines d'hommes et de femmes d'un âge certain s'agenouiller devant le Petit Jésus de plâtre. Flairer l'encens s'insinuer parmi les arômes des parfums et des cierges allumés. Retrouver le goût d'enfance de l'hostie de blé azyme. Me laisser ravir par la verve et la bonhomie du curé tellement-inspiré et tellement-souriant à Noël. Souhaiter Joyeux Noël avec du brillant dans les yeux aux gens connus comme aux inconnus comme si nous nous connaissions depuis toujours...

Joyeux Noël!

Jean Trudeau
Saint-Armand
25 décembre 2005

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