jeudi 1 décembre 2005

« Nous, on s'en fout! » ou Les grands absents aux audiences du BAPE sur l'autoroute 35


DE Saint-Armand sur le Web
Billet aigre-doux du 17 décembre 2005


Les 45 jours des audiences publiques du BAPE sur le parachèvement de l'autoroute 35 viennent de prendre fin. Chacune des séances de la Commission nous a permis de vivre une expérience profondément démocratique. Une expérience caractérisée par l'écoute et le respect dont les commissaires, Mme Claudette Journault et Mme Lucie Bigué, ont fait preuve à chaque séance auprès de tous les intervenants, spécialistes aussi bien que citoyens. Grâce à cette Commission, une grande quantité d'information concernant les multiples aspects du projet a été rendue disponible (voir le site Web du BAPE) et tant soit peu compréhensible. L'information est la base d'une véritable démocratie : ne serait-ce que pour soutenir ce principe, le BAPE a sa raison d'être.

C'est aussi grâce à la tenue de ces audiences publiques, que chaque citoyenne et citoyen, individu comme corporation, que tous ont pu émettre ouvertement et publiquement leur opinion sur le projet mis de l'avant par le ministère des Transports du Québec, exprimer leurs préoccupations, faire des recommandations, argumenter en faveur ou contre le projet. L'ensemble des interventions fera maintenant l'objet en mars prochain d'un rapport synthèse de la Commission au ministre du Développement durable, à qui reviendra le mot de la fin.

Le projet de parachèvement de l'autoroute 35 affectera particulièrement Saint-Armand. En effet, si l'autoroute permettra de contourner toutes les municipalités le long de son parcours, c'est tout le contraire à Saint-Armand, puisqu'elle viendra définitivement enclaver une partie de la municipalité, ne laissant à toutes fins utiles qu'un étroit passage entre Philipsburg et Saint-Armand. Quel sera l'impact de ce corridor autoroutier nord-sud avec ses trois échangeurs sur notre vie quotidienne, sur notre sécurité, sur la macro-économie de notre région et la micro-économie de chacun de nos villages et hameaux, sur la nature environnante déjà fragilisée, sur notre patrimoine menacé d'abandon, sur notre culture qui peine à survivre, sur notre agriculture en crise, sur notre démographie en péril? Bref, quel sera l'impact du parachèvement de l'autoroute 35 au terme de cette décennie sur l'avenir de Saint-Armand?

À quelques exceptions près, les audiences publiques du BAPE n'ont pas permis d'avoir de réponses à ces interrogations. La raison en est bien simple : les organisations publiques de notre région qui ont pourtant les ressources financières et humaines pour le faire ont brillé par leur absence tout au long des audiences. Ceux qui auraient pu et dû venir aborder publiquement les impacts sociaux, culturels et économiques du projet dans notre milieu se sont tus. Où étaient les représentants de la MRC de Brome-Missisquoi, de la CRÉ de Brome-Missisquoi, du CLD Brome-Missisquoi, du Mouvement Desjardins, de la Corporation de développement de Bedford et région, de la Commission scolaire de Val-des-Cerfs, des grandes entreprises qui ont pignon sur rue dans la région... Absents : motus et bouche cousue! Tous, pourtant, disent jouer un rôle régional et servir les intérêts des grandes comme des petites municipalités quand vient le temps de piger directement ou indirectement dans les poches des contribuables de Saint-Armand...

Ce qui, à mes yeux, ressort d'une manière flagrante de ce silence de nos instances régionales aux récentes audiences du BAPE, c'est combien profonde est l'aliénation d'un 'petit milieu' comme le nôtre à la suite de la régionalisation et la centralisation systématiques de nos services publics durant les dernières décennies. Loin des yeux, loin du coeur : les sentiments d'appartenance et de solidarité régionale seraient-il en train de s'émousser dans ce pays? Faut-il décoder le message que nous envoie cette non-participation par : « On s'en fout pas mal de Saint-Armand et de sa baie qui stagnent; arrangez-vous avec votre autoroute, on a d'autres chats à fouetter dans nos villes-centres »?

Il y a, heureusement, deux côtés à une médaille. Il nous reste encore une tribune démocratique locale bien en place : le Conseil municipal. Et il y a de l'espoir de ce côté pour les 1 297 habitants de Saint-Armand. J'y reviendrai sans doute dans un prochain billet.

Jean Trudeau

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